Remercions , Mohamed Louizi pour son action de lanceur d’alerte, qui tweete ce jour en réveillant nos craintes concernant le plan de reforme de la loi de 1905.
La torpeur hivernale et la crise des gilets jaunes nous a éloignés de la question de l’aggiornamento de la loi de séparation qui est dans les tuyaux depuis la production par l’institut Montaigne d’un rapport sur l’islam en France. Ce rapport sert de base de lancement à tout un tas de propositions.
Il est clair que nous sommes passés à côté de quelque chose, mais grâce à l’incontournable Mohamed Louizi nous allons réparer cet impair ! Rappelons qu’il a besoin de soutien financier pour des déboires judiciaires liés à ces alertes, vous pouvez contribuer à ce soutien en cliquant sur celien.
Reprenons ! A la lecture de ce document, il apparait des éléments très très intéressants.
C’est en fin de texte et sous une codification particulière : faut-il aller plus loin ? Sous cette question, apparait plusieurs catégories de « réponses » possibles. Aggiornamento de la loi de 1905. Une mise à jour serait donc en question.
-Rappelons que la loi de 1905, dite de séparation des églises et de l’Etat, est la pièce maitresse de la République française. Elle sépare strictement le pouvoir temporel (l’Etat) et le pouvoir intemporel (LES églises). Chacun vit sa vie et personne ne se mêle de la vie de l’autre.
C’est un principe de base qui est la garantie bien française de la liberté de conscience. Il faut comprendre que cette loi a été pensée pour permettre l’expression de conscience individuelle et les mettre à l’abri des organisations qui collectivisent les croyances par le dogme.
Elle protège donc l’individu en rendant essentielle la liberté de conscience en n’en définissant pas les contours pour permettre un spectre large des opinions et ou des croyances. C’est le french secularism. La touche française de la laïcité. On comprend donc que toute modification de la loi, en minorant le champ d’action, met en péril cette première liberté qui est le cadre philosophique de la constitution.
Les cultes sont donc en théorie, cantonnés à l’extérieur de la marche de l’Etat et ne peuvent sous aucun prétexte être financés, reconnus, subventionnés. Le rôle de l’état étant de contrôler la légalité de l’expression cultuelle et de sécuriser l’exercice du culte. Depuis de nombreuses années nous assistons à la lente érosion de cet esprit laïque hérité de 1905 . Au point d’organiser des réunions politique dans des églises pour le grand débat national avec présence de sénateur et de conseiller régional. C’est dire le recul historique et philosophique des dernières années républicaines.
Revenons à nos moutons ! Ce qui va suivre est édifiant.
« Conçue pour gérer un stock défini et non un flux de cultes en métropole, la loi de 1905 pourrait faire l’objet d’une actualisation en procédant à la « nationalisation » de tous les édifices cultuels construits entre 1905 et aujourd’hui en France pour les soumettre au même régime juridique que les édifices cultuels antérieurs à 1905. »
On nous parle ici de stock, de flux cultuels. Pardon mais en France, on traite de consciences (article 1 de la loi de 1905) qui peuvent ou non être cultuelles. Pas de stock ou de flux. Et sur cette base, il faudrait « actualiser » la loi de 1905.
Déjà ceci est énorme et ce n’est pas terminé. Pour la suite, il faut remettre un peu d’ordre, en 1905 (plutôt en 1907 par ailleurs) l’Etat est devenu propriétaire de tous les bâtiments cultuels, propriétaire… à de rares exceptions dû à des négociations, ou au caractère commémoratif de certains lieux.
Depuis cette date tous les bâtiments cultuels construits, le sont sans le concours de l’état, grâce à la séparation des églises et de l’état et au principe de non financement des cultes. Donc depuis 1905, chaque lieu de culte appartient aux croyants, diocèses, évêchés, congrégations, associations cultuelles….
Or, ce rapport semble préconiser une nationalisation de tous les lieux de cultes construit après 1905. Tous les lieux de cultes construit après 1905 ! je préfère répéter deux fois, pour y croire ! Expliqué différemment, cela va consister à violer la loi de 1905, en reconnaissant les cultes, en finançant la nationalisation, en organisant par la force publique (neutre) l’inventaire des biens culturels, en entretenant aux frais de l’Etat ces biens et les bâtiments.
On parle évidement des églises, des églises évangéliques, des temples protestants, bouddhistes, des salles du royaume de Jehova etc. etc. J’allais oublier les synagogues, dont la prière pour la république risque fort de résonner bizarrement à cette occasion. Le but ? et bien c’est écrit en toutes lettres :effet de rattrapage de la prise en charge des nouvelles religions (islam, culte évangéliste)
L’islam est le cœur du sujet. Incapable de coller à la loi de 1905, il faut changer la loi pour tout le monde. CQFD !
on remet un peu de culte évangélique pour faire la maille, et faire passer la pilule. On note que c’est l’islam entièrement dont on parle, mais pas du culte de l’islam. Je fais un peu de mauvais esprit !
Mais bon comme on a identifié les sources de risques tout va bien :
En préparant bien le Conseil Constitutionnel, en nommant les bonnes personnes, avec un super bon corpus jurisprudentiel étoffé, ça peut passer tranquille. On espère que la nomination de Juppé au
Conseil constitutionnel n’est pas liée à ce projet. Ça serait être suspicieux que de lier tout ça. D’autant que c’est la bonne gestion de la ville de Bordeaux qui est surement à l’origine de cette nomination. Bravo monsieur Juppé !
Ensuite vient le chapitre « risque politique » l’oppositions des laicards : les dangereux « respecteurs » de la loi de 1905, des légalistes sans foi ni loi, réactionnaires et immobilistes ! notons tout de même que les laicard ne font pas partie des associations cultuelles ! de là a en déduire qu’ils soient athées…
Il est évoqué le fait que cette opération, qui a des avantages certains pour l’islam et le culte évangélique, pose un problème financier. Nous évoquerons plus tard, rien de grave en fait, une paille 17 milliard d’euros.
Puis un risque social, de troubles à l’ordre public ! ce qui est un comble, puisque l’Etat deviendrait organisateur du trouble. Rappelons que le trouble a l’ordre public est puni par la police des cultes lorsque ce trouble est lié à l’expression cultuelle. Savoureux non ?
Et le risque diplomatique. Alors quand on le dit, ça ne fonctionne pas, et les laïques sont régulièrement classés dans une catégorie islamophobe fasciste…ou pire encore. Ici c’est écrit : la France a externalisé une partie de l’encadrement des musulmans en France.
Allez, passons au volet économique : rappelons en préambule que la nationalisation des bâtiments cultuels en 1905, c’est faitesans contrepartie financière. Une préhension d’état ! une saisie immobilière avec des contreparties locatives ! Le coût de toutes les façons eut été exorbitant. Mais ça c’était en 1905. On est en l’an 2000 que diable, soyons fous !
Je vous laisse lire cette capture d’écran jusqu’à cette phrase : cout théorique de la mesure :17 milliards d’euros…17 milliards d’euros.
A titre d’exemple, le budget de l’éducation nationale c’est 50.6 milliards d’euros, La défense 32.7 milliards, ministère de l’intérieur 13 milliards. Des gens ont donc réfléchi à la question d’acheter des bâtiments sur le compte de l’état, aux frais du contribuable, à hauteur de 17 milliards.
Pour bien se rendre compte voici 2 chiffres :
17 000 000 000
1202
Le premier c’est le coût de cette mesure Le second c’est le smic à partir duquel, on calcule l’impôt pour financer le premier. 17 milliards ! L’avantage avec l’impôt, c’est qu’il est dépersonnalisé, on ne sait pas où notre euro va et à quoi il sert, c’est pour le bien commun. Mais ici, on le sait à quoi il va servir si cette idée abouti, c’est écrit plus haut :
Avantage politique : effet de rattrapage de la prise en charge des nouvelles religions (islam, culte évangéliste). Ce n’est pas comme si on ne savait pas !
Bon il y a l’argent et puis la philosophie dans la vie.
Abrogation de la loi de 1905 et révision en profondeur de la Constitution. Création d’une politique publique religieuse prenant en charge les nouveaux cultes (notamment islam et évangélisme). La puissance publique finance, organise et contrôle ces cultes.
ici on explique que c’est l’état qui prendrait en main tout le champ religieux. Tout le champ religieux ! Avec des fonctionnaires religieux, (espérons que ce ne soit pas un double sens) et soumis aux devoirs inhérents à la fonction publique.
Mais !!! si l’Etat prend la main, le fonctionnaire n’est plus neutre ! C’est écrit en toutes lettres : tabula rasa en matière de neutralité religieuse de l’Etat et des services publics
En plus ce fonctionnaire, contrôlerait le discours et les pratiques religieuse. Comme dans une théocratie en fait ! et nouveau concept inédit en réflexion : la laïcité théocratique.
On se rappelle des 17 milliards d’euro prévus pour devenir propriétaires des lieux de cultes, mais il faut ajouter l’augmentation du nombre de fonctionnaires, le coût de l’entretient des bâtiments…
Pour autant a-t-on besoin de tout ceci, alors que l’état laisse l’observatoire de la laïcité, faire la promo des relations inter convictionnelles, que l’on nous assener que la laïcité est ouverte, que le lien avec les cultes doit être reconstruit, qu’on favorise le financement de l’éducation privée, que les associations religieuses peuvent gérer et prospérer sur la base des legs immobilier, qu’elles peuvent entrer à l’assemblée nationale, au sénat, sans apparaitre comme des lobbyistes,, qu’on ne parle plus de liberté de conscience mais de liberté de croire ou non, que l’état favorise l’islam,( pas le seul culte, l’islam) en créant les condition d’un concordat ( qui profitera au culte évangélique) ?
Ça vaut bien 17 milliards que de changer la société pour annihiler la laïcité, et prendre le dernier marché financier que sont les croyants et les cultes. Le bouclier laïque, la liberté de conscience bloquaient cette libéralisation économique.
Mais tout est calculé, c’est prévu et conscient. Tout ceci a un coût connu, c’est écrit en toutes lettres en forme de conclusion a ce décryptage : destruction d’un des piliers de l’identité politique et constitutionnelle de la République sans garantie d’une réduction de la radicalisation religieuse