Pour n'affoler personne, cette réforme explosive, telle une bombe que le gouvernement cherche à désamorcer, annonce un changement majeur dans la conception laïque de la république française et donc un changement constitutionnel. Elle est présentée comme un simple nouvel amendement, pas plus inquiétant que les autres ajustements déjà opérés sur cette loi fondamentale pour l'organisation de la vie citoyenne dans une République française.
L’article 1 de la Constitution de 1958, stipule que « la République française est une et indivisible, laïque, démocratique et sociale », assurant « l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion » et « respecte toutes les croyances » sans en privilégier aucune, enfin jusqu’ à présent!
Il semblerait donc que la conviction intime d'Emmanuel Macron prévale sur la Constitution de 1958 dont il est censé être le garant en même temps que de l'ordre public.
Le changement de paradigme est majeur et gravissime.
Ce n'est donc pas à la poussée islamiste de s'adapter à la loi, mais c’est c’est bien la loi qui va être réformée pour s'adapter à la poussée islamiste. D'autant que le président Macron souhaite" redonner à l’islam sa place particulière"
Fantastique retournement de la cause du mal ! Ce n'est donc pas une réforme, c'est une révolution.
Encouragés par l'Etat macronien qui promeut le concept d'un islam DE France, seuls les musulmans peuvent et doivent organiser l'islam EN France. ( Par cette réforme l’État envisage d’organiser l’islam de France mais pourrait bien ne favoriser que l’installation de l’islam en France et ce, en tout premier aux dépends des Français musulmans).
L’objectif affiché est de responsabiliser les gérants des lieux de culte, de prévenir les dérives intégristes, voire djihadistes et de réduire l'influence étrangère qui exporte salafisme et/ou wahhabisme en envoyant des imams et autres prédicateurs et en finançant la construction de mosquées en France.
Le nouvel article 18 prévu a pour but de clarifier cela: « les associations cultuelles «sont exclusivement formées pour l’exercice public d’un culte ou pour le soutien à cet exercice. Elles ne peuvent avoir d’autre objet», à cela s’ajoute l’article 19: une disposition «antiputsch» doterait les associations d’un bouclier juridique contre les «prises de contrôle inamicales», selon la note préparatoire : pas de recrutement d’un ministre du culte, de modification des statuts ou de cession d’un bien immobilier sans délibération collégiale de l’association. L’idée est de «lutter contre la captation de l’enceinte cultuelle par des prédicateurs radicaux», indique l’annexe du projet et de donner l’exemple d’ Epinay-sur- Seine, où un imam salafiste a tenté entre 2011 et 2012 de prendre le contrôle de la mosquée contre la volonté de l’association gérante. De même à Lyon, dans le quartier de la Duchère, jusqu’en 2016.�
Cette ambition ne peut qu'être saluée puisque l'Etat est le garant de l'ordre public autour duquel nos lois sont conçues y compris celle de 1905.
On retrouve là le projet d'AMIF (association musulmane pour l'islam de France) prêché par El Karoui dans son rapport intitulé « La fabrique de l'islamisme » édité en septembre 2018 pour l'institut Montaigne. Rappelons que monsieur El Karoui, normalien, agrégé de géographie qui a enseigné à l'université Lyon 2, est le conseiller d'Emmanuel Macron sur ce sujet ultrasensible. En plus de diriger Volentia, sa société de conseil stratégique, monsieur El Karoui est entrepreneur social via le club du XXIème siècle qu'il a créé, ainsi que « les Young Mediterranean Leaders ». Il est notamment l'auteur du rapport « Un islam français est possible » édité en septembre 2016 toujours pour l'institut Montaigne et
« Nouveau monde arabe, nouvelle "politique arabe" pour la France » édité en août 2017 toujours pour le même institut.
Loi 1905 REFORME (proposition de texte de Sophie Burin)
Cependant à y regarder de plus près on constate qu’en contrepartie de ce contrôle plus serré des discours et des pratiques un subventionement public des cultes est envisagé au titre de la « réparation et la rénovation des édifices religieux ».
Si cela était, cette exception, déjà prévue en toute logique pour les bâtiments classés monuments historiques ou pour les édifices datant d'avant 1905, sous condition de sérieux dans la comptabilité, contreviendrait à la règle inscrite dans l'article 2 de la loi de 1905 selon laquelle « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Cette fameuse règle que l'exécutif dit pourtant ne pas vouloir modifier.
Ces subventions pourraient venir s'ajouter aux autres sources substantielles de revenus : cotisation d'adhésion à une association cultuelle, collectes, quêtes, rétributions des services religieux, revenus locatifs des biens immobiliers, dons.
Quelles seraient les conditions pour obtenir ces subventions, qui dans les faits reviennent à financer avec des fonds publics l'exercice d'un culte? Est-ce que le souci économique et énergétique suffirait à justifier cette entorse grave à la séparation des Eglises et de l'Etat?
Des raisons de sécurité intérieure pourront elles être invoquées pour suspendre ces subventions si les règles de respect de l'ordre public républicain sont violées mais que les normes énergétiques sont respectées ?
Qu’est-ce qui empêcherait les autres communautés religieuses de réclamer les mêmes droits et avantages?
Quand on n’a pas de pétrole, on a des idées, la preuve ! Jusqu’alors les associations cultuelles musulmanes qui envisageaient des constructions ou des aménagements de bâtiments déjà existants étaient contrôlées sous l'angle de la conformité au code de l'urbanisme, des règles sanitaires ... Désormais, ce sera pareil au prix de quelques quelques normes énergétiques supplémentaires, avec en prime l'argent du contribuable permettant d'habiller tout cela pour un long hiver et ceci sans parler des bâtiments déjà existant qui pourront être réhabilités à moindre frais. Bingo, tout le monde est susceptible de passer à caisse !
Dans le projet, un article 19 officialisera et rendra obligatoire la qualification cultuelle de toutes les associations qui organisent le culte musulman, enregistrées pour certaines uniquement sous le régime unique de la loi du 1er juillet 1901 relative au
« contrat d’association ».
Ce label étatique « cultuel », permettrait d'assortir systématiquement ces associations de certaines caractéristiques qui les rangerait aussi sous le régime de la loi de 1905. Quelles caractéristiques précisément ? Le bénéfice des avantages fiscaux attenants à cette labelisation cultuelle serait donc conditionné à une «démarche obligatoire et préalable de reconnaissance» de sa qualité cultuelle auprès du préfet, pour une «durée renouvelable de cinq ans». Ce « tampon administratif » pourra leur être retiré en cas de manquement aux nombreuses obligations. Quelles obligations? Etant donné que le label sera délivré pour une durée de 5 ans renouvelables, le retrait du label associatif se fera -t- il dès la première infraction ou après plusieurs ? Signalée comment, par qui ? Traitée dans quel délai ? Sous quels critères précis les associations demandeuses du statut cultuel passeront elle du régime 1901 à celui de 1905? Y aura-t-il des exigences en terme de maîtrise de la langue, des règles républicaines, de leur signification et de de leur application ?
Qui décernera ce label ?
Le service public ayant obligation de neutralité, il faudrait envisager un bureau unique administratif. À notre époque du lobby roi, on peut se demander si tout cela ne serait pas malheureusement une manière d’organiser le clientélisme politique. Comment en effet ne pas imaginer les pressions que pourrait subir un agent public chargé de valider ou non le dossier de chaque association? Si la décision n'est pas anonyme et que l'agent récalcitrant dans la délivrance du sésame peut être identifié, qui le protégera des éventuelles pressions pour que finalement il appose son tampon?
Qui le prémunira des éventuelles mesures punitives s'il maintient son refus ? La neutralité des agents publics risque de mourir sous les menaces. De plus le risque serait d'avoir des agents publics mécréants, athées ou tout simplement encore très attachés à l'ordre public républicain qui refuseraient. Pendant que certains chipoteraient, d’autres déjà acquis à la cause musulmane « dans toute sa palette riche et diverse » comme dirait Marwan Muhammad « allant du soufisme au salafisme wahhabite » valideraient.
Comment tout cela sera-t-il harmonisé ? Auprès de quelle instance le recours pourra-t-il être déposé en cas de refus ou de contestation de l'accord ? Qui contrôlera ? Qui recevra les doléances? Y aura-t-il toujours un tribunal spécifique pour gérer les question des associations loi 1905?
Dans le projet, l’exécutif entend inscrire dans l'article 18 de la nouvelle loi de référence sur la laïcité la nécessité pour une association déclarée, enregistrée et labellisée comme cultuelle de s'engager à « ne pas porter atteinte à l’ordre public» ni « à mener ou prôner des activités contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution». C'est le moins qu'on puisse exiger ! Reste à savoir comment ces règles non négociables de respect de l'ordre public seront contrôlées, à quelle fréquence, par qui, avec quels moyens ?
Ce même article 18 précise qu'une association déclarée sous le label cultuel ne pourra être formée que pour exercer un culte ou pour soutenir cet exercice, sans autre objet possible. Cela autorisera donc toujours les cours de coran associés à la fréquentation d'un lieu de culte musulman, notamment à l'attention des enfants. Quid des autres associations prodiguant un enseignement conforme aux règles de l'islam dans le cadre des écoles privées musulmanes hors contrat ?
Par ailleurs, afin d'éviter la captation d'une association cultuelle par des prédicateurs radicaux, aucun ministre du culte ne pourrait être nommé, aucune modification des statuts associatifs ne pourra être validée, aucune cession d’un bien immobilier ne pourra être homologuée, sans délibération collégiale de l’association.
Selon quels critères la radicalité d'un prédicateur sera-telle déterminée ? Qui édictera et contrôlera ces critères ?
Côté financement, le projet de réforme entend à la fois mieux contrôler le culte musulman et en favoriser l'autonomie.
Le gouvernement n'a donc pas renoncé à l'idée de permettre aux associations cultuelles de gérer les revenus locatifs de leurs investissements et possessions immobilières, qui viendront s'ajouter aux fruits des cotisations, quêtes et autres collectes, rémunérations de services religieux, sans oublier les fameuses subventions autre des économies d'énergie !
Par ailleurs, le gouvernement entend limiter la possibilité de recevoir des fonds étrangers. En 2016, une enveloppe marocaine de 6 millions d’euros a bénéficié aux mosquées françaises, dont celle d’Évry (ce dont ne peut que se réjouir le grand imam Mohamed Bajrafil, soit disant républicain et modéré de l'islam du juste milieu devant l'éternel). L’Arabie Saoudite a transféré 800 000 euros pour construire la Grande mosquée de Saint- Denis et 900 000 pour celle de Strasbourg.
Espérons que ces grands chantiers ont bien intégré les normes énergétiques sinon le tiroir à subventions va pouvoir être activé pour ces bâtiments récents comme nous le signalions précédemment ! Désormais en cas de montant supérieur à 10 000 euros, les dons manuels, apports en nature et contributions volontaires venant de l'étranger, devront être déclarés aux autorités administratives. Ça laisse encore de la marge jusque 9999 euros. Les petits ruisseaux faisant les grands fleuves, qui s'assurera que ces sommes plus modestes ne croisent pas des circuits illégaux du banditisme, du trafic de stupéfiants, d’œuvres d'art, d'armes ?
Qui évaluera que les discours tenus au sein de l'association cultuelle susceptible de recevoir des dons « ne provoquent pas à la violence, à la haine ou à la discrimination, à la commission d’actes de terrorisme ou font l’apologie de tels actes » ? Si ces propos sont tenus en arabe qui les traduira pour en contrôler la légalité ? Qui contrôlera les valises et les éventuels dessous de table au delà de 10000 euros?
Le montant des amendes suivant les infractions laissent aussi songeur.
Ainsi un don de l’étranger non déclaré exposera l’association à une amende égale au quart de la somme, assortie d’une possible confiscation. Cette infraction sera donc beaucoup plus sévèrement punie que les infractions des prédicateurs passibles d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende en cas de menaces entravant l'exercice d'un culte ; 3 ans de prison et 45 000 euros d'amende en cas de «coups, violences, voies de fait, destructions ou dégradations», par contre il n’en coutera « que » 12 000 euros en cas d'incitation directe à ne pas respecter les lois ou les ordres de l’autorité publique», que ce soit par «des discours» ou par «des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image».
Quels seront les réels moyens renforcés permettant d'interdire les réunions politiques dans les lieux religieux ? Quel critère permettra de délimiter clairement la frontière entre le cultuel et le politique ?
Une des autres questions épineuses réside dans la répartition des rôles de cette réforme de l'islam. Il est question d'une réflexion des fidèles concernant le financement du culte musulman. Quels sont les fidèles considérés comme ayant fait entendre leur voix à ce sujet réellement écoutés et pris en compte par le gouvernement ? Les experts qui peaufinent le projet de loi portant réforme gouvernementale de la loi de 1905, sous la houlette régalienne d'Emmanuel Macron, d'Edouard Philippe et de la plume philosophique du rédacteur des discours présidentiels, Sylvain Faure, disent s'être inspirés en partie des consultations organisées cet été auprès des responsables musulmans par les préfets dans tous les départements .
Cette grande consultation est à croiser avec celle organisée par L.e.s. Musulmans, sous la houlette de « Musulmans de France » (ex UIOF présidée par le Frère Musulman Amar Lasfar) et du CCIF via Marwan Muhammad et Samy Debbah très impliqués dans la pérennisation du mouvement insufflé, qui entendent bien rester dans la course et marginaliser, un peu plus le CFCM présenté comme ringard et peu représentatif.
Forte de ses 27 000 questionnaires traités, présentés en grande pompe à l'IMA le 30 septembre dernier, avec force statistiques et discours d'universitaires d'emblée acquis à leur cause, Il y a donc fort à parier que cette mouvance très politisée et revendicative serve aussi d'interlocutrice auprès du gouvernement qui en connaît déjà bien les doléances via la complaisance de l'Observatoire de la Laïcité (voir Asif Arif, Nathalie Appéré qui en font partie : voilement des fillettes, burquini en piscine municipale ...) pour les défenseurs d'une laïcité ouverte, inclusive, tolérante, coexistante qui laisse détourner les mots et leur signification en privilégiant la liberté des cultes avant la liberté de conscience et d'expression, en confondant sciemment la liberté de religion avec la liberté de conscience, en usant du « vivre ensemble » pour faire passer une vision œcuménique de la société organisée entre croyants interconvictionnels et non plus entre citoyens, en introduisant de plus en plus la notion d'islamophobie et de respect des religions pour préparer le terrain de la validation juridique du délit de blasphème inexistant en droit français.